Le rôle des
déclencheurs immunitaires ou infectieux dans l’apparition du Syndrome de
fatigue chronique (SFC) n’est pas encore bien compris. Les difficultés pour disposer
de mesures de l’immunité avant l’apparition de la maladie, et les cohortes de
fatigues post-infectieuses, ne permettent pas l’étude d’un éventuel
dysfonctionnement immunitaire préexistant, ni des modifications subséquentes en
réponse à un élément déclencheur.
L’étude réalisée ici
analyse la fatigue persistante induite par l'interféron alpha (IFN-α) comme
modèle de SFC. L’ IFN-α, utilisé dans le traitement contre l'hépatite C
chronique, provoque chez certains patients une fatigue persistante, qui ne
s'atténue pas après la fin du traitement, c'est-à-dire une fois qu'il n'y a
plus d'activation immunitaire décelable. Ce modèle permet d’évaluer les
patients avant, et pendant l’exposition au déclencheur immunitaire, et ensuite
lorsque le déclencheur initial n’est plus présent.
Cinquante-cinq
patients sous traitement par IFN-α pour une hépatite C chronique ont été
évalués au départ, pendant les 6 à 12 mois de traitement par l’IFN-α, et six
mois après le traitement. Des mesures de la fatigue, des cytokines et des
métabolites de la voie de la kynurénine ont été réalisées, et comparées aux
valeurs obtenues chez 57 volontaires en bonne santé ayant suivi le même
protocole (Ndlr :
la voie de la kynurénine intervient dans les fonctions physiologiques régissant
le comportement, le sommeil la thermorégulation et la gestation. Elle est
également fortement suspectée d'être associés à diverses maladies neurologiques
inflammatoires).
Dix-huit patients
sous traitement par IFN-α (33%) ont ensuite été identifiés comme présentant une
«fatigue persistante» (modèle proposé pour le syndrome de fatigue chronique),
si leur niveau de fatigue demeurait supérieur six mois après le traitement par
rapport au début; les 67% restants étaient considérés comme «fatigue résolue».
Les patients avec
une fatigue persistante ont présenté une augmentation plus importante de leurs
symptômes de fatigue au cours des quatre premières semaines de traitement par l'IFN-α,
par rapport aux patients ne présentant pas de fatigue persistante.
Leurs taux
initiaux d'interleukine-6 (Ndlr : un
médiateur pro-inflammatoire) et d’interleukine-10 (Ndlr : un médiateur anti-inflammatoire) étaient
significativement plus élevés, et augmentaient encore en réponse au traitement
par IFN-α, parallèlement à une augmentation concomitante de la fatigue. Leurs
taux ont augmenté pour atteindre plus du double de ceux des autres patients après
4 semaines de traitements.
Six mois après la
fin du traitement, aucune preuve d'association avec une inflammation
périphérique n’a pu être détectée pour l’ensemble la cohorte. Bien qu'il y ait
eu des changements dans les métabolites de la kynurénine en réponse à l'IFN-α,
il n'y avait pas d'association avec une fatigue persistante.
Les patients
souffrant de SFC présentaient cependant des taux plus faibles de kynurénine en
tryptophane et 3-hydroxykynurénine que les témoins.
Des études futures
sont nécessaires pour élucider les mécanismes à l'origine de la réponse
initiale exagérée du système immunitaire chez ceux qui souffrent de fatigue
persistante, même lorsque l’activation immunitaire n'est plus présente. Ainsi que pour comprendre le passage d'une
fatigue aiguë à une fatigue chronique en l'absence de traitement.
D’après : Persistent fatigue induced by interferon-alpha: a novel, inflammation-based, proxy model of chronic fatigue syndrome. A Russell, N Hepgul, N Nikkheslat, A Borsini, Z Zajkowska, N
Moll, D Forton, K Agarwal, T Chalder, V Mondelli, M Hotopf, A Cleare, G Murphy,
G Foster, T Wong, G A Schütze, M J Schwarz, N Harrison, PA Zunszain, C M Pariante,
Psychoneuroendocrinology, in press, 17 December 2018